« Le vin, c’est de la poésie en bouteille. » – Robert Louis Stevenson
Mais pas que ! Derrière cette poésie se cache une réalité bien plus complexe : une récolte annuelle dépendante des contraintes météorologiques, politiques et économiques, marquée par la pénibilité et l’exigence d’une endurance physique hors norme. Après cette immersion intensive de 7 jours, je ne boirai plus jamais un verre de vin de la même façon !
En tant que coach et formatrice en développement personnel et management d’équipe spécialisée dans la gestion du stress et des conflits, j’étais curieuse de découvrir ce que cette expérience pourrait m’apporter. Car j’en suis convaincue : on devrait tous découvrir au moins un autre métier dans sa vie. À 50 ans, j’ai décidé de relever un défi qui me trottait dans la tête depuis longtemps : participer aux vendanges.
Pourquoi ce défi à 50 ans ?
La cinquantaine, c’est souvent l’âge des bilans et des nouveaux défis. J’avais envie de découvrir ce monde viticole que je ne connaissais qu’en tant que consommatrice ponctuelle. Mais surtout, je souhaitais me déconnecter totalement de ma vie actuelle – l’année 2024 compliquée avec le cancer de mon compagnon, ma charge mentale, mon cerveau bouillonnant, mes préoccupations, mes projets – faire le vide pour mieux me reconnecter à l’essentiel.
C’est ma façon de célébrer mes 50 ans : non pas en me reposant sur mes acquis, mais en me lançant dans l’inconnu. Vivre une expérience intense physiquement loin de mon quotidien. Et quel contraste ! Chaque soir, je rentrais chez moi après 8 heures de travail intense, zéro maux de tête, un esprit apaisé, des douleurs aux genoux malgré les genouillères, le bas du dos (vive l’huile d’arnica, le baume du tigre et le doliprane, en plus des étirements) mais une fatigue saine et libératrice.
Sept jours, sept leçons inoubliables
Leçon n°1 : La météo est votre maître absolu
Première révélation : les vendanges ne connaissent pas les grasses matinées. Réveil à 5h30, arrivée sur place à 6h30, départ de 7h à 9h, pause (saucisson, pain, chocolat!) puis jusqu’à 12h puis de 14h à 17h quel que soit le temps. La météo devient votre maître absolu – pluie, soleil écrasant, vent, chaque condition impose ses contraintes. Je comprends pourquoi les viticulteurs scrutent les prévisions avec tant d’attention. Cette dépendance totale aux éléments naturels m’a rappelé notre vulnérabilité face à des forces qui nous dépassent, surtout dans les métiers en extérieur. Travailler par tous les temps est exigeant. J’ai préféré le jeudi pluvieux avec un long ciré (par chance, la pluie intense sur notre pause déjeuner!) avec la nécessité d’être attentive à bien poser le pied au sol pour éviter de glisser, tomber, les mauvais gestes, qu’au samedi en plein soleil le 5ème jour d’affilée, malgré un petit 25° ressenti +35° en travail physique ! J’éprouve un profond respect pour toutes les personnes qui font un métier éprouvant en extérieur dont le salaire n’est pas à la hauteur de la pénibilité.
Leçon n°2 : Le dépassement de soi se vit dans les petits gestes
Mon bas du dos criait au secours très rapidement dans la première journée de 8h. Mes mains, peu habituées au sécateur très aiguisé, ont rapidement adopté une paire de gant au deuxième jour (les doigts coupés) et mes genoux ont apprécié des genouillères pour amortir les cailloux. Plutôt manches longues pour les griffures des branches sur les avant-bras. Casquette obligatoire. Crème solaire. Des très bonnes chaussures de rando étanche (au bout de 8h plus vraiment!) Pourtant, chaque matin, je retournais aux vignes sans me poser de questions. Je savais que ça allait être très dur physiquement, car même si je suis habituée à m’occuper du jardin, à passer la tondeuse, et à faire du fitness, on est loin de 8h travail physique à terre, le dos recourbé, les genoux à terre sur un terrain caillouteux dénivelé ! Et cela, plusieurs jours d’affilée ! Cette expérience m’a rappelé une vérité simple : le dépassement de soi ne se mesure pas en exploits extraordinaires, mais dans la capacité à continuer malgré l’inconfort, la douleur. Et l’importance d’être équipée et d’être présent dans sa posture, dans sa marche. Chaque grappe coupée était une petite victoire sur mes limites. Avancer cèpe après cèpe, tourner la tête pour voir le chemin parcouru, et le chemin à parcourir (parfois long !!). Garder le rythme pour vider les seaux en même temps ! Parfois se relever, et passer les seaux d’un rang à l’autre dessous, au-dessus, ou les verser dans la hotte suivant l’accessibilité du terrain.
Leçon n°3 : Manager une équipe hétéroclite révèle l’essentiel du leadership
En tant que sophrologue spécialisée en gestion des conflits, j’ai observé un cas d’école fascinant. Imaginez gérer une équipe composée d’un retraité projectionniste de cinéma de 67 ans vivant ses premières vendanges, de SDF trentenaires accompagnés de leurs chiens, d’un maçon de 19 ans passionné d’histoire, d’un couple formé d’une infirmière et d’un menuisier en pause sabbatique de 6 mois, et d’un ancien viticulteur.
Certains calmes, d’autres parlant non-stop, des expériences variables, parfois des problématiques d’addictions… Le défi : faire fonctionner cette cohabitation H24 harmonieusement. J’ai compris que le vrai leadership ne consiste pas à uniformiser les profils, mais à orchestrer leurs différences.
Leçon n°4 : La gestion de crise révèle les priorités essentielles
Et comme si ce n’était pas suffisant, les imprévus s’enchaînent : un transporteur qui lâche une semaine avant les vendanges, un contrôle administratif juste avant le début de la récolte, le père du viticulteur qui tombe malade… Les vendanges, c’est du management de crise permanent où il faut hiérarchiser l’urgent et l’important en quelques secondes. Cette expérience m’a rappelé que dans la vraie urgence, seul l’essentiel compte.
Leçon n°5 : L’efficacité collective prime sur la performance individuelle
Dans les rangées de vigne, impossible de tricher. Votre rendement se voit immédiatement. Mais j’ai compris que l’efficacité individuelle ne suffit pas – c’est l’harmonie du groupe qui fait la différence. Certains sont plus rapides à la coupe, d’autres excellents pour porter les hottes. Cette leçon d’humilité m’a rappelé que dans toute équipe, chacun trouve sa place dans la chaîne de valeur collective.
Leçon n°6 : La reconnexion à l’essentiel passe par la déconnexion
Cette expérience a validé ma capacité d’adaptation et ma facilité à communiquer avec tout profil. Mais surtout, j’ai découvert que j’arrive facilement à me mettre dans ma bulle en plein air, bien plus qu’en open space. Le grand air et le travail physique créent paradoxalement un espace de concentration et de sérénité que je n’avais jamais expérimenté à ce niveau.
Les contraintes des métiers manuels m’ont aussi fait relativiser mes propres difficultés professionnelles. Quand on a passé huit heures courbée dans les vignes, les réunions interminables semblent soudain plus supportables !
Leçon n°7 : Le partage authentique naît dans l’effort commun
Plus que tout, j’ai découvert l’esprit de partage qui règne pendant les vendanges. Partage des efforts, des pauses, des histoires de vie. Chaque vendangeur apporte son expérience, ses techniques, ses anecdotes. Ces moments d’échange, souvent autour d’un simple casse-croûte, valent tous les séminaires de team-building du monde. L’authenticité des relations naît quand on transpire ensemble pour un objectif commun.
La métaphore de ma propre vendange
Les vendanges sont devenues pour moi une puissante métaphore de la vie. Comme ces grappes qui mûrissent lentement avant d’être récoltées au moment optimal, nous traversons des saisons d’apprentissage avant nos moments de récolte personnelle. À 50 ans, j’étais peut-être à ma propre vendange – prête à recueillir les fruits d’un demi-siècle d’expérience.
La vigne enseigne aussi la patience. Pas de raccourci possible, pas de précipitation. Le temps fait son œuvre, et notre rôle est d’accompagner ce processus naturel avec humilité et détermination.
Ce que cette semaine a changé définitivement
Ces sept jours de vendanges ont été une leçon d’humilité et de dépassement. À 50 ans, j’ai prouvé que l’âge n’est qu’un chiffre quand on a la volonté d’apprendre et de se dépasser. J’ai touché du doigt la réalité d’un métier exigeant, compris les contraintes et les joies du travail de la terre.
Cette expérience m’a reconnectée à des valeurs essentielles : l’effort physique, la simplicité des gestes répétés, la satisfaction du travail bien fait. J’ai redécouvert le plaisir de la fatigue saine, celle qui vient après une journée passée à créer quelque chose de concret.
« Il faut cultiver notre jardin. » – Voltaire
Et vous, quel défi pourriez-vous vous lancer pour sortir de votre zone de confort et découvrir des aspects méconnus de vous-même ? Quel autre métier pourriez-vous expérimenter ne serait-ce qu’une semaine pour enrichir votre vision du monde ?
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